Un document inédit sur l’histoire de Phalempin
trouvé dans une librairie lilloise

Publié le 16 février 2022.

Tout commence dans l’ambiance chaleureuse et feutrée d’une librairie du vieux Lille, à deux pas de la cathédrale Notre Dame de la Treille. C’est en fouillant passionnément dans les vieux papiers de cette boutique de livres anciens et modernes, bordés d’affiches, cartes et dessins rares que Geoffroy Thellier, un Phalempinois féru d’histoire tombe, sans le chercher, sur un document inédit relatif à l’histoire de la commune. Il en avertit le maire Thierry Lazaro. qui envoie l’adjoint André Ballekens prendre possession de la trouvaille au nom de la commune, entre Noël et Nouvel An.

Une affiche vieille de 228 ans

« C’est un document unique, témoigne quelques semaines plus tard un André Ballekens toujours ému. Il s’agit du procès-verbal de l’adjudication de la démolition d’une partie de l’abbaye de Phalempin, daté du 8 avril 1794 ». Ou plutôt du dix-neuf germinal de l’an deuxième de la République Française, selon le calendrier républicain de l’époque. Vignette révolutionnaire en tête, il s’agit d’une affiche de 75 cm par 43, qui équivaudrait aujourd’hui à un permis de démolition. A ceci près que le document en question détaille très précisément chaque étape de la démolition, les coûts et les bénéficiaires.

Comment s’est-il retrouvé là ? « Ces affiches étaient mises sur les murs, explique-t-on à la librairie. Mais certaines pouvaient rester dans un coin. » Au fil du temps, l’affiche s’est sans doute retrouvée dans une collection privée, puis une autre, et ainsi de suite, jusqu’à son arrivée à Phalempin. « Nous sommes très contents que la commune ait récupéré ce bien car nous sommes très sensibles à tout ce qui est patrimonial », poursuit-on à la librairie. L’affiche n’a pas une grande valeur économique. Quant à son intérêt, des collectionneurs privés l’ont sans doute trouvé dans sa relative ancienneté et son en tête révolutionnaire. C’est à Phalempin et pour l’histoire de la commune que sa valeur devient autrement plus précieuse.

Des archives disparues lors de la Révolution

Le document annonce la démolition de l’abbaye Saint Christophe. Or c’est à propos de la dite abbaye qu’il est, pour la première fois et à notre connaissance, fait mention du nom Phalempin dans l’histoire. Sur un document du XIe siècle, on peut lire que le châtelain de Lille, Saswalon, obtient de l’évêque de Tournai la permission de fonder une abbaye en l’honneur de Saint Christophe sur l’emplacement de l’autel de Phalempin ; entre les actuelles rues De Gaulle et la rue Léon-Blum. L’abbaye a traversé plus de sept siècles mais ses archives ont disparu en même temps qu’elle au moment de la Révolution française. Son histoire n’est connue que grâce aux chroniques écrites pendant que les archives existaient encore, sur lesquelles s’est fondé l’abbé Leuridan lors de l’écriture de la Notice historique sur l’abbaye de Saint-Christophe de Phalempin, publiée en 1905.

La fin de l’abbaye

Un décret du 13 février 1790 supprime les maisons religieuses où l’on fait des vœux solennels. Les moines doivent rentrer dans le monde ou continuer la vie claustrale jusqu’à l’extinction de leur communauté. Alors que l’État souhaite vendre leurs biens saisis, les moines sont invités à se retirer dans des maisons de retraite. Des moines phalempinois restant, certains trouvent asile dans leur famille, d’autres s’exilent, un est guillotiné…
Selon l’adjoint André Ballekens, « nous savions, grâce aux travaux sur l’abbaye de l’historien amateur Georges Lagache publiés avec Francis Wibaux dans les années 1970, qu’un arrêté avait été pris en 1794 pour démolir l’abbaye, en partie au profit de l’hôpital militaire de Lille. Ils se fondent sur un bref courrier adressé en même temps que l’arrêté que nous n’avions pas, jusqu’à aujourd’hui. » Charpente, planchers, menuiseries, marches et limons d’escalier, etc. de l’abbaye de Phalempin ont ainsi servi aux réparations de l’hôpital militaire Scrive, touché par un incendie en 1794 et qui abrite aujourd’hui les services administratifs de la Préfecture du Nord, rue de l’Hôpital Militaire, à côté de l’église Saint-Etienne.

Comme en témoigne le procès-verbal reproduit en quatrième de couverture du présent bulletin, l’ensemble de l’abbaye a été démonté pièce par pièce et vendu et vendu « au profit de la république ». A l’exception du Caveau des moines, toujours existant (rue des Jardins de l’Abbaye), de l’encadrement de portail, conservé au musée des Beaux-Arts de Lille, et de l’église, démolie au début du XXe siècle. Un pan de l’histoire phalempinoise dont les détails sont désormais connus.