Visite du chantier de diagnostic archéologique
préventif au site de l’abbaye

Publié le 27 février 2023.

Ils sont les premiers à ouvrir les terres renfermant l’ancienne abbaye depuis la disparition de cette dernière à l’époque révolutionnaire. à des fins scientifiques, du moins. « L’abbaye de Phalempin est l’une des plus anciennes de la région, jubile Pauline Lhommel, responsable d’opération de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP), chargée du chantier de diagnostic. C’est une création carolingienne (ici au XIème siècle), ça ne court pas les rues. D’autant qu’elle est en périphérie de Lille. Ce n’était pas une abbaye très passante, très riche, mais elle a existé près de huit siècles sans péricliter. » Pauline Lhommel nous guide sur les fondations de l’abbaye. Tout autour, ses collègues de l’INRAP s’affairent selon leurs spécialités. Avec sa pelle mécanique, le grutier découvre le sol avec la vitesse et la précision d’un chirurgien. Un balai qui n’a pas échappé aux passants depuis le lancement des fouilles le 16 janvier. Avec son lot de rumeurs, proportionnel à l’intérêt du site.

Des découvertes

Pour l’INRAP, « il y a une grosse étude de documentation préalable à notre arrivée. Elle a été réalisée par une collègue qui a notamment consulté les archives », précise Pauline Lhommel, copies du cadastre napoléonien à la main. Grâce ce genre de précieux documents, lorsqu’ils existent, les archéologues savent à peu près où trouver les restes de quel bâtiment. Pouvoir les mettre à nu afin de mieux comprendre ou vérifier la circulation et la vie des moines est déjà fascinant.

« On peut voir ici ce qui était sans doute une séparation entre l’espace des moines, qui vivent isolés du monde, et celui des moines convers, qui s’occupent des tâches matérielles de la vie communautaire en lien avec les paroissiens dans la partie sud de l’abbaye avec une boulangerie, une brasserie, potentiellement une forge… » L’ensemble est englobé par les rues Blum et De Gaulle, héritées de cette époque.
Le principal intérêt reste cependant de découvrir des fondations plus anciennes, plus primaires de l’abbaye sur lesquelles ont pu être greffées les constructions plus récentes : de cela n’existent pas de plans ni de connaissances précises ! Lors de la visite début février, les archéologues déblaient une cave non répertoriée de l’église de l’abbaye. « On découvre beaucoup de choses qu’on ignorait, se réjouit Pauline Lhommel. Notamment des états de l’ancienne église, inconnus jusqu’à aujourd’hui. » Et les fameux tunnels ? Au risque de décevoir, sauf à de très rares exceptions, « ce qui est parfois pris pour des tunnels est en réalité des canalisations. On peut éventuellement y passer en se pliant, mais elles ne vont pas plus loin que les limites de l’enceinte ». Le blockhaus construit pour la venue du Kaiser Guillaume II à Phalempin en 1918 s’est pour sa part dévoilé côté rue De Gaulle, lors de la démolition des bâtiments qui avaient été construits dessus et autour. De ce côté du site devraient subsister peu de témoignages de l’histoire : avant le château existait une sucrerie, qui a sans doute elle-même pris la place de fermes érigées après la période révolutionnaire. Pas le meilleur moyen de conserver les sols. Un autre obstacle aux fouilles est constitué par les racines des arbres, dont plusieurs spécimens remarquables sont conservés dans le futur projet immobilier.

Quelles suites ?

L’INRAP poursuit ses fouilles préliminaires jusqu’au mois de mars. Une autre visite, avec les nouvelles évolutions, sera programmée. Tout le site, les observations et les hypothèses sont soigneusement inventoriés dans un rapport qui sera remis à la préfecture en juillet. Une commission d’archéologues se réunira en septembre ou en octobre pour décider, ou non, si le site est libéré de toute contrainte archéologique. Après quoi débuteront soit des fouilles approfondies, soit le chantier du projet immobilier.

PRENDRE EN COMPTE LE PATRIMOINE

C’est à tâtons, malgré de très nombreux scandales et destructions de vestiges archéologiques remarquables tout au long de la seconde moitié du XXe siècle, que l’État a, en France, mis en place un cadre légal pour protéger le patrimoine, fixé par la loi sur l’archéologie préventive de janvier 2001. Est alors créé l’INRAP, établissement public à caractère administratif de recherche, placé sous la tutelle des ministères de la Culture et de la Recherche. Composé de plus de 2 000 collaborateurs, l’établissement peut, dès qu’un permis de construire est déposé est s’il l’estime nécessaire, ordonner un diagnostic archéologique. Pouvant être suivi de fouilles préventives au projet de construction. Un processus légal bien intégré par les promoteurs et qui, dans le cas du site de l’abbaye, n’a évidemment surpris personne.